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AROUET COMMENCE ŒDIPE.

date le futur auteur de la Henriade ne partageait pas, à l’égard de Jean-Baptiste, les sentiments de sa famille. Nous aurons plus tard à parler d’un arrêt qui ne fut pas du goût de tout le monde, et particulièrement de notre poëte, car le prix ne devait être adjugé que deux ans après, en 1714. Mais ce dernier avait entrepris une tâche autrement ardue. Dès le collège, on l’a vu rêver les triomphes tragiques ; sept ans s’étaient écoulés depuis lors, les ailes lui avaient poussé, et le jeune aiglon était impatient de prendre son essor. L’épisode d’Œdipe fut le sujet auquel il s’attacha, et l’idée d’entrer en lutte avec le père de notre théâtre ne semble pas l’avoir arrêté un instant. Si les noms ont leur prestige, il n’y a de vraiment redoutable, à la scène, que les œuvres ; et il faut bien convenir que l’Œdipe du grand Corneille est loin d’être une bonne pièce et même une pièce raisonnable. Il n’était donc pas impossible de faire quelque chose de mieux inventé, de mieux conduit, de mieux écrit. Il y a plus d’un Corneille dans Corneille, le Corneille des bons jours et celui des jours de lassitude, le Corneille de Cinna et celui de Pertharite ; et si Œdipe valait mieux qu’Agésilas et Attila il existe un abîme entre cette pièce et Polyeucte. Quoi qu’il en soit, l’OEdipe de Voltaire, qui ne devait pas être le dernier Œdipe (nous aurons après l’Œdipe du père Folard et les deux de Lamotte), était presque terminé, du moins quant au premier jet, car il était loin encore d’avoir revêtu sa forme définitive. Mais le plus difficile restait à faire. Il y a bien du chemin souvent entre l’achèvement d’un chef-d’œuvre et le grand jour de la représentation. Et