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ROUSSEAU À SOLEURE.

composée en l’honneur de Sainte-Geneviève. On voit tout de suite qu’il confond cette dernière ode avec l’imitation de l’ode latine du père Lejay, dont il a été parlé plus haut. Ce n’est pas tout. Il laisse entendre que cette pièce est perdue, sauf trois strophes qu’il s’empresse de reproduire[1]. « Je ne sais d’où il les a tirées, dit Barbier, mais elles ne font pas cependant partie de l’ode de Voltaire sur Sainte-Geneviève[2]. » Assurément non ; mais elles n’en sont pas moins de l’auteur de la Henriade et, en cherchant bien, Barbier eût trouvé qu’elles sont le début de l’ode sur les Malheurs du temps, composée une année plus tard et classée dans les œuvres à la date de 1713.

Rousseau était réfugié à Soleure. Arouet, pour lequel il était alors le grand Rousseau, lui envoie son ode et le prie de vouloir bien lui en dire son sentiment, « J’ai reçu, écrit le lyrique à M. Boutet, une fort jolie lettre du jeune M. Arouet, accompagnée d’une ode dans laquelle il y a beaucoup d’esprit. Je vous prie de lui témoigner l’estime que je fais de sa personne et de son mérite[3]. » Il lui écrivit à lui-même, et lui marqua ce qu’il pensait de son ouvrage « avec toute la sincérité qu’on doit à la confiance d’un jeune homme qu’on aime[4]. » Tout cela prouve au moins qu’à cette

  1. Luchet, Histoire littéraire de M. de Voltaire (Cassel, 1781), t. I, p. 24, 25.
  2. Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes (Paris, 1823), t. II, p. 221.
  3. Lettres de Rousseau sur différents sujets de littérature (Genève, 1750), t. I, p. 54.
  4. Élie Harel, Voltaire, particularités de sa vie et de sa mort (Paris, 1817), p. 12. — Bibliothèque française, t. XXIII, p. 138-154.