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LA TABATIÈRE CONFISQUÉE.

Ni soins, ni larmes, ni prière
Ne te rendront à moi ; mes efforts sont perdus.
Adieu, ma pauvre tabatière ;
Adieu, doux fruit de mes écus !
S’il faut à prix d’argent te racheter encore,
J’irai plutôt vider les trésors de Plutus.
Mais ce n’est pas ce dieu que l’on veut que j’implore,
Pour te revoir, hélas ! il faut prier Phœbus…
Qu’on oppose entre nous une forte barrière !
Me demander des vers ! hélas ! je n’en puis plus.
Adieu, ma pauvre tabatière ;
Adieu, je ne te verrai plus !

Une autre fois, le demi-quart avant la fin de la classe, le père Porée, surpris par l’heure et n’ayant plus le temps de dicter le devoir pour le lendemain, dit aux élèves de faire des vers sur la fin dramatique de Néron succombant sous sa propre fureur. On a conservé ceux d’Arouet.

De la mort d’une mère exécrable complice,
Si je meurs de ma main, je l’ai bien mérité ;
Et n’ayant jamais fait qu’actes de cruauté,
J’ai voulu, me tuant, en faire un de justice.

Un invalide se présente au collège Louis-le-Grand et s’adresse à l’un des régents, au père Porée, selon Luchet[1], pour obtenir une petite requête rimée, qui peut intéresser à son sort le Dauphin, dans le régiment duquel il avait servi. Le régent, trop occupé ou peu soucieux de prendre cette peine, lui répondit qu’il allait lui donner un mot pour l’un de ses élèves, très-capable de le satisfaire. Cet élève c’était Arouet. Au

  1. Luchet, Histoire littéraire de M. de Voltaire (Cassel, 1781). t. I, p. 8, 9.