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AMULIUS ET NUMITOR.

fallait encore qu’il le fût. Sa tragédie était intitulée Amulius et Numitor. Voltaire, plus tard, rencontrant, parmi d’autres papiers, cet essai de collège, voulut le relire ; mais il fut vite rebuté et le jeta au feu sans nul remords. Probablement ne fut-il que juste, ce qui ne nous empêche pas de regretter cette exécution ; il n’était pas sans intérêt de le prendre à son point de départ. En somme, deux fragments échappèrent aux flammes et, après un sommeil de cent quatorze ans, furent retrouvés par un curieux ; ils faisaient partie des manuscrits de Thiériot et ont été publiés, en 1820, dans un recueil de pièces inédites, où l’on peut les aller chercher[1]. Ce qui demeure incontestable, c’est sa facilité, sa prestesse à rimer. Ses maîtres prenaient plaisir à mettre à contribution sa muse enfantine. Le petit Arouet, pour tuer l’heure, qui lui durait trop, lançait un jour, pendant la classe, sa tabatière en l’air et s’amusait à la recevoir au retour. Le régent de la confisquer pour l’exemple. Après la classe, l’étourdi alla la réclamer ; mais le coupable ne devait rentrer dans son bien qu’en échange d’une supplique en beaux vers. Un quart d’heure lui suffit pour rimer ses adieux à un bijou qu’il se déclarait impuissant à reconquérir à ce prix.

Adieu, ma pauvre tabatière !
Adieu, je ne te verrai plus ;

  1. Longchamp et Wagnière, Mémoires sur Voltaire (Paris, 1826) t. I. p. 20, — Laharpe, Commentaire historique sur le théâtre de Voltaire, p. 12. — Paillet de Warcy, Histoire de la vie et des ouvrages de Voltaire (Paris, 1824), t. II, p. 530, 531. — Voltaire, Pièces inédites (Didot, 1820), p. 13 à 18.