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LE DUC DE BOUFFLERS.

atteint par un affront peu compatible avec sa dignité et son grade, mourait quelques mois après de la petite vérole. Cette terrible leçon ne profita point, et le régime des verges n’en demeura pas moins en vigueur. Il est vrai que, d’écoliers à cuistres, l’on ne jouait que trop souvent des canifs[1], quand la résistance ne s’armait pas plus sérieusement. Ainsi, plus tard, en 1723, au collège des jésuites de La Flèche, les pensionnaires prenaient fait et cause pour l’un des leurs qui, menacé du fouet, tirait sur son régent qu’il manquait, et abattait, d’un second coup, le grenadier appelé pour le saisir[2]. Ce n’est pas que ce mode de répression n’eût été de vieille date réprouvé par les esprits sensés, entre autres, par le sage auteur des Essais dans son chapitre de l’Institution des enfants[3].

Comme on le voit, MM. d’Argenson furent les condisciples de Voltaire. Ils entrèrent au collège Louis-le-Grand à la fin de 1709. L’aîné, qui était du même âge que le poëte-philosophe, avait quinze ans ; c’était un peu tard pour commencer le métier de collégien, « Nous étions alors si grands garçons, raconte-t-il, c’est-à-dire si avancés dans le monde, que, sans être libertins, nous étions en chemin de le devenir. » Ils avaient pour gouverneur un pauvre homme, très-peu propre à s’acquitter à son honneur du difficile

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. XL, p. 116. Mémoires pour servir à la vie de Voltaire.
  2. Bibliothèque Mazarine. Manuscrits. Correspondance inédite de la marquise de La Cour, t. VIII, p. 107, lettre 63 ; à Paris, le 12 octobre 1723.
  3. Montaigne, Essais (Paris. Menard, 1827), t. II, p. 115. liv. i, ch. xxv,