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TRADITION.

l’acte. Mais Voltaire n’eut pas varié mainte et mainte fois sur la date précise de sa venue au monde, que son assertion ne saurait seule infirmer une pièce aussi décisive. Et, à chaque instant, dans sa correspondance, c’est une date nouvelle forgée pour les besoins de la cause ; car il veut se vieillir à tout prix, plus il sera vieux, moins on osera le persécuter : neuf mois ne sont rien, mais font enjamber d’une année sur l’autre et ne manquent pas d’avoir leur effet. « Ne dites pas, je vous en prie, écrivait-il à d’Argental, le 1er janvier 1777, que je n’ai que quatre-vingt-deux ans ; c’est une calomnie cruelle. Quand il serait vrai, selon un maudit extrait baptistaire que je fusse né en 1694, au mois de novembre, il faudrait toujours m’accorder que je suis dans ma quatre-vingt-troisième année. »

Ces deux questions, la date et le lieu de sa naissance, sont tellement liées l’une à l’autre, qu’elles se résolvent ensemble. Le premier historien qui parle de Châtenay, est Condorcet ; ses renseignements, on nous dit qu’il les tenait de Voltaire, nous le voulons bien ; madame Arouet eût pu sans doute songer à faire ses couches dans ce charmant village où son mari avait une belle et grande maison. « On laissa ignorer, raconte Duvernet, au prêtre de l’église Saint-André-des-Arts, auquel on présenta l’enfant, qu’il était né depuis neuf mois sur une autre paroisse, et qu’il avait été ondoyé. C’eût été un scandale et un crime grave d’avoir gardé un enfant aussi longtemps sans avertir le curé[1]. » Soit encore ; cela eût expliqué pourquoi l’acte de nais-

  1. Duvernet, la Vie de Voltaire (Genève, 1780), p. 10.