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quel drame tout ensemble ! Car là tout se rencontre, se coudoie, se choque ! C’est un mélange de grandes choses et de puérilités, dont le contraste ne se décrit point, dont rien n’est à retrancher, ni à adoucir.

Ce livre n’est pas un livre d’à-propos, et de parti pas davantage. Grâce à Dieu, rien ne nous lie à telle ou telle coterie, nous nous appartenons pleinement. Le duc de Bourgogne disait a l’abbé de Choisy qui écrivait une histoire de Charles VI : « — Comment vous y prendrez-vous pour dire qu’il était fou ? — Monseigneur, je dirai qu’il était fou. » Nous aussi, nous avons cru devoir tout raconter, tout dire, sans nous exagérer notre héroïsme, mais sans ignorer non plus le petit péril de ne s’appuyer sur personne et de n’avoir pour soi que la vérité. M. Sainte-Beuve compare l’auteur du Dictionnaire philosophique à ces arbres dont il faut savoir choisir et savourer les fruits, mais à l’ombre desquels il n’est pas prudent de séjourner. Nous conviendrons sans embarras que l’ivraie ne se mêle que trop au bon grain dans son œuvre, et nous ne ferons pas difficulté, le cas échéant, d’indiquer les fragilités de cette nature passionnée, sensible à l’excès, d’une vanité trop irritable pour n’avoir pas ses moments regrettables, ses oublis attristants. Pareille impartialité ne sera pas du goût de tout le monde, nous le savons ; elle sera mal appréciée des amis aveugles qui ne veulent pas de taches dans le soleil. Quant aux ennemis, ceux-là, quoi que nous fassions, nous accuseront de n’avoir pas tout dit