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je devrois bien plutôt m’occuper de te la faire oublier, ma Lucile ! mon bon loulou ! ma poule ! je t’en conjure, ne reste point sur la branche ! ne m’appelle point par tes cris ! ils me déchireroient, au fond du tombeau ! Vis pour mon Horace ; parle-lui de moi ! Tu lui diras ce qu’il ne peut point entendre ! que je l’aurois bien aimé ! Malgré mon supplice, je crois qu’il y a un dieu ! mon sang effacera mes fautes ; les foiblesses de l’humanité, et ce que j’ai eu de bon ; mes vertus, mon amour de la liberté ; et dieu le récompensera ! Je te reverrai un jour, ô Lucile ! ô Annette, sensible comme je l’étois ! La mort, qui me délivre de la vue de tant de crimes, est-elle un si grand malheur ? Adieu loulou, adieu ma vie, mon ame, ma divinité sur la terre ! Je te laisse de bons amis ; tout ce qu’il y a d’hommes vertueux et sensibles ! Adieu Lucile ! ma chère Lucile ! adieu Horace, Annette ; adieu mon père ! Je sens fuir devant moi le rivage de la vie ! je vois encore Lucile ! je la vois ! mes bras croisés te serrent ! mes mains liées t’embrassent ! et ma tête séparée repose sur toi ! Je vais mourir !


De l’Imprimerie DESENNE, rue des Moulins, près la rue des Petits-Champs, N°. 546.