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taphe. Mais, console-toi, veuve désolée ! l’épitaphe de ton pauvre Camille est plus glorieuse : c’est celle des Brutus et des Caton, les tyrannicides. Ô ma chère Lucile ! j’étois né pour faire des vers, pour défendre les malheureux, pour te rendre heureuse, pour composer avec ta mère et mon père, et quelques personnes selon nôtre cœur, un Otaïti ! J’avois rêvé une république, que tout le monde eût adorée ! Je n’ai pu croire que les hommes fussent si féroces et si injustes ! Comment penser que quelques plaisanteries, dans mes écrits contre des collègues qui m’avoient provoqué, effaceroient le souvenir de mes services ! Je ne me dissimule point que je meurs victime de ma plaisanterie et de mon amitié pour Danton. Je remercie mes assassins de me faire mourir avec lui et Philippeaux ; et puisque nos collègues sont assez lâches pour nous abandonner et pour prêter l’oreille à des calomnies que je ne connois pas, mais à coup-sûr les plus grossières, je vois que nous mourrons victime de notre courage à dénoncer des traîtres, de notre amour pour la vérité ! Nous pouvons bien emporter avec nous ce témoignage, que nous périssons les derniers des républicains ! Pardon, chère amie ! ma véritable vie, que j’ai perdue du moment qu’on nous a séparés, je m’occupe de ma mémoire !