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On m’appelle…… Dans ce moment, les commissaires du tribunal révolutionnaire viennent de m’interroger ; il ne me fut fait que cette question : si j’avois conspiré contre la République. Quelle dérision ! et peut-on insulter ainsi au républicanisme le plus pur ! Je vois le sort qui m’attend. Adieu ; ma Lucile, ma chère Lolotte, mon bon loup ; dis adieu à mon père ! tu vois en moi un exemple de la barbarie et de l’ingratitude des hommes ; mes derniers momens ne te déshonoreront pas ; tu vois que ma crainte étoit fondée, que nos pressentimens furent toujours vrais ! J’ai épousé une femme céleste par ses vertus ; j’ai été bon mari, bon fils, j’aurois été bon père : j’emporte l’estime et les regrets de tous les vrais républicains, de tous les hommes, la vertu et la liberté ! Je meurs à 34 ans ; mais c’est un phénomène que j’aie passé, depuis cinq ans, tant de précipices de la révolution, sans y tomber, et que j’existe encore, et j’appuie encore ma tête avec calme sur l’oreiller de mes écrits trop nombreux, mais qui respirent tous la même philantropie, le même désir de rendre mes concitoyens heureux et libres, et que la hache des tyrans ne frappera pas ! Je vois bien que la puissance énivre presque tous les hommes ; que tous disent comme Denys de Syracuse : la tyrannie est une belle épi-