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le deuil de Rome, qui avoit perdu dans les guerres civiles, presque tout ce qui lui étoit resté d’hommes vertueux, si l’on eût ménagé Marc-Antoine » plutôt altéré de volupté que de puissance, la république pouvoit prolonger quelques années son existence, et traîner encore bien loin la maladie de sa décrépitude. Antoine avoit aboli le nom de dictateur, après la mort de César ; il avoit fait la paix avec les tyrannicides. Tandis que le lâche Octave, qui s’étoit caché derrière les charrois pendant tout le temps de la bataille, vainqueur par le courage sublime d’Antoine, insultoit lâchement au cadavre de Brutus qui s’étoit percé de son épée, Antoine répondoit de l’armée sur le dernier des Romains, et le couvroit de son armure : aussi les prisonniers, en abordant Antoine, le saluoient du nom d’imperator, au lieu qu’ils n’avoient que des injures et du mépris pour ce lâche et cruel Octave. Mais le vieillard Ciceron avoit fait d’Antoine, par sa harangue, un ennemi irréconciliable de la république et d’un gouvernement qui, par sa nature, étoit une si vive peinture de ses vices, et de cette liberté illimitée d’écrire. Ciceron soutient bien qu’il avoit aliéné Antoine sans retour, et comme tous les hommes, excepté les Caton, si rares dans l’espèce humaine, qu’il avoit sacrifié tout sans politique