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de la révolution, l’auteur qui, d’un bout de la pièce à l’autre, décochoit les traits les plus sanglans contre Périclès, Cléon, Lamor…, Alcibiade, contre les comités et présidens de sections, et contre les sections en masse, les sans-culottes applaudissoient à tout rompre, et il n’y avoit personne de morts que ceux des spectateurs qui crevoient à force de rire d’eux-mêmes.

Qu’on ne dise pas que cette liberté de la presse et du théâtre coûta la vie à un grand homme, et que Socrate but la ciguë. Il n’y a rien de commun entre les nuées d’Aristophane et la mort de Socrate qui arriva vingt-trois ans après la première représentation et plus de vingt ans après la dernière. Les poëtes et les philosophes étoient depuis long-temps en guerre ; Aristophane mit Socrate sur la scène, comme Socrate l’avoit mis dans ses sermons : le théâtre le vengea de l’école. C’est ainsi que Saint-Just et Barrère te mettent dans leurs rapports du comité de salut public, parce que tu les as mis dans ton journal ; mais ce qui a fait périr Socrate, ce ne sont point les plaisanteries d’Aristophane qui ne tuoient personne, ce sont les calomnies d’Anitus et Mélitus, qui soutenoient que Socrate étoit l’auteur de la disette, parce qu’ayant parlé des Dieux avec irrévérence dans ses dialogues, Minerve et Cerès ne