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carrés d’oignons dans le Palais-Royal. Adieu, disoit-il, les tailleurs, les tapissiers, les selliers, les épiciers, les doreurs, les enlumineurs, les bijoutiers, les orfévres, les marchandes de modes et les prêtresses de l’opéra, les théâtres et les restaurateurs. L’auteur aristocrate ne faisoit pas grâce aux boulangers, et se persuadoit que nous allions brouter l’herbe, et devenir un peuple de Lazaronis et de philosophes, avec le bâton et la besace. Qu’on lise, dans ma Lanterne aux Parisiens, comme je relançai ce prophète de malheurs, qui défiguroit ma République ; et qu’elle prophétie bien différente j’opposai à celles de ce Mathan de l’aristocratie. « Comment ! m’écriois-je, plus de Palais-Royal ! plus d’opéra ! plus de Meot ! c’est là l’abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel ; c’est une véritable contre-révolution !

Et je m’étudiois au contraire à offrir des peintures riantes de la révolution, et à en faire attendre à la France bien d’autres effets, dont je me faisois presque caution. Et les Jacobins et les Cordeliers m’applaudissoient. Et c’est par ces tableaux que, missionnaire de la révolution et de la République, je m’insinuois dans l’esprit de mes auditeurs, que je partageois les égoïstes, c’est-à-dire, tous les hommes, d’après la maxime incontestable de J. J. Rousseau, que j’ai soulignée tout-à-l’heure, que j’en baptisois un grand nombre, et que je les ramenois au giron de l’église des Jacobins. Non, il ne peut y avoir que les trois cents commis de Bouchotte, qui, pensant qu’il étoit de leur honneur de venger la petite piquure que j’avois faite à l’amour-propre du ministre de la guerre, au lieu de se récuser, comme la délicatesse le deman-