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point en moi apostasie, mais impénitence finale.

On ne se souvient donc plus de ma grande colère contre Brissot, il y a au moins trois ans, à propos d’un numéro du Patriote Français, où il s’avisoit de me rappeler à l’ordre, et de me traiter de républicain muscadin, précisément à cause que j’avois énoncé les mêmes opinions que je viens de professer tout-à-l’heure. « Qu’appelez-vous, lui répondis-je quelque part (dans mon second tome, je crois) ; que voulez-vous dire avec votre brouet noir, et votre liberté de Lacédémone ? Le beau législateur que ce Lycurgue, dont la science n’a consisté qu’à imposer des privations à ses concitoyens ; qui les a rendus égaux, comme la tempête rend égaux tous ceux qui ont fait naufrage ; comme Omar rendoit tous les Musulmans égaux, et aussi savans les uns que les autres, en brûlant toutes les bibliothèques ! Ce n’est point là l’égalité que nous envions ; ce n’est point là ma république. L’amour de soi-même, dit J. J. Rousseau, est le plus puissant, et même, selon moi le seul motif qui fasse agir les hommes. Si nous voulons faire aimer la république, il faut donc, M. Brissot de Warville, la peindre telle, que l’aimer, ce soit s’aimer soi-même. »

On ne se souvient donc plus de mon discours de la Lanterne, dans lequel, quinze mois auparavant, je jetois une clameur si haute, au sujet d’un certain pamphlet, intitulé, le Triomphe des Parisiens, où l’auteur vouloit nous faire croire que, dans peu, Paris deviendroit aussi désert que l’ancienne Ninive ; que, dans six mois, l’herbe cacheroit le pavé de la rue Saint-Denis et de la place Maubert ; que nous aurions des couches de melons sur la terrasse des Tuileries, et des