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tandis que la liberté ne peut manquer d’éveiller l’industrie, et de porter les nations au plus haut degré de prospérité et de fortune publique, où leur population leur permet d’atteindre ; témoins Tyr, Carthage, Athènes, Syracuse, Rhodes, Londres, Amsterdam. » Et comme la théorie de la liberté, plus parfaite chez nous que chez ces différens peuples, présage à Pitt, pour la France, le dernier degré de prospérité nationale, et montre dans l’avenir au fils de Chatam, notre patrie que son père avoit si fort en horreur, faisant, par son commerce, ses arts et sa splendeur future, le désespoir des autres nations : c’est par cette seule raison, n’en doutons pas, que la jalouse Angleterre nous fait cette guerre atroce. Qu’importeroit à Pitt, en effet, que la France fût libre, si sa liberté ne servoit qu’à nous ramener à l’ignorance des vieux Gaulois, à leurs sayes, leurs brayes, leur guy de-chêne et leurs maisons, qui n’étoient que des échoppes en terre-glaise ?

Loin d’en gémir, il me semble que Pitt donneroit bien des guinées pour qu’une telle liberté s’établit chez nous. Mais ce qui rendroit furieux le gouvernement anglais, c’est si on disoit de la France, ce que disoit Dicearque de l’Attique : « Nulle part au monde on ne peut vivre plus agréablement qu’à Athènes, soit qu’on ait de l’argent, soit qu’on n’en ait point. Ceux qui se sont mis à l’aise, par le commerce ou leur industrie, peuvent s’y procurer tous les agrémens imaginables ; et quant à ceux qui cherchent à le devenir, il y a tant d’ateliers où ils gagnent de quoi se divertir aux Antestheries[1], et mettre encore

  1. On appeloit ainsi les fêtes consacrées à Bacchus ; c’étoient