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la recette du bon sans-culotte Jésus, qui disoit : Moitié gré, moitié force, convertissez-les toujours, compelle intrare. Personne n’a prouvé la nécessité des mesures révolutionnaires, par des argumens plus forts que je n’ai fait, même dans mon Vieux Cordelier, qu’on n’a pas voulu entendre.

Je crois que la liberté n’est pas la misère ; qu’elle ne consiste pas à avoir des habits rapés et percés aux coudes, comme je me rappelle d’avoir vu Roland et Guadet affecter d’en porter, ni à marcher avec des sabots ; je crois au contraire, qu’une des choses qui distingue le plus les peuples libres des peuples esclaves, c’est qu’il n’y a point de misère, point de haillons, là où existe la liberté. Je crois encore, comme je le disois dans les trois dernières lignes de mon histoire des Brissotins, que vous avez tant fétoyée : Qu’il n’y a que la République qui puisse tenir à la France la promesse que la Monarchie lui avoit faite en vain, depuis 200 ans : La poule au pot pour tout le monde. Loin de penser que la liberté soit une égalité de disette, je crois au contraire qu’il n’est rien tel que le gouvernement républicain pour amener la richesse des nations. C’est ce que ne cessent de répéter les publicistes, depuis le seizième siècle. Comparez, écrivoit Gordon, en se moquant de nos grands-pères, il y a quarante ans, comparez l’Angleterre avec la France ; les sept Provinces-Unies, sous le gouvernement des États, avec le même peuple, sous la domination de l’Espagne. Avant Gordon, le chevalier Temple observoit que « le commerce ne fleurit jamais dans un gouvernement despotique, parce que personne n’est assuré de jouir long-temps de ce qu’il possède,