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n’avons pas fait la révolution, seulement pour que M. Brigandeau changeât de bonnet.

Je reviens à mon Credo.

Mirabeau nous disoit : « Vous ne savez pas que la liberté est une garce qui aime à être couchée (il se servoit d’une autre expression plus énergique) sur des matelats de cadavres » ; mais quand Mirabeau nous tenoit ce propos, au coin de la rue du Mont-Blanc, je soupçonne qu’il ne parloit pas ainsi de la liberté ; dans le dessein de nous la faire aimer, mais bien pour nous en faire peur, je persiste à croire que notre liberté, c’est l’inviolabilité des principes de la déclaration des droits ; c’est la fraternité, la sainte égalité, le rappel sur la terre, ou du moins en France, de toutes les vertus patriarchales, c’est la douceur des maximes républicaines, c’est ce res sacra miser, ce respect pour le malheur, que commande notre sublime constitution ; je crois que la liberté, en un mot, c’est le bonheur ; et certes, on ne persuadera à aucun patriote, qui réfléchit tant soit peu, que faire dans mes numéros un portrait enchanteur de la liberté, ce soit conspirer contre la liberté.

Je crois en même temps, comme je l’ai professé, que, dans un moment de révolution, une politique saine a dû forcer le comité de salut public à jeter un voile sur la statue de la liberté, à ne pas verser tout à la fois sur nous cette corne d’abondance que la déesse tient dans sa main, mais à suspendre l’émission d’une partie de ses bienfaits, afin de nous assurer plus tard la jouissance de tous. Je crois qu’il a été bon de mettre la terreur à l’ordre du jour, et d’user de la recette de l’esprit saint, que la crainte du seigneur est le commencement de la sagesse ; de