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avoit donné à coucher à un ami de Séjan. Que dis-je ? les amis de Séjan ayant été mis hors la loi, Tacite pouvoit avoir tort de se récrier. Mais ici c’est bien pis ! Vaillant avoit donné, il y avoit plus d’un an, l’hospitalité, deux jours seulement, à un citoyen alors actif, à un citoyen qui, dans ce temps-là, n’étoit pas sur la liste des gens suspects. Il est vrai que ce citoyen s’appelle Nantouillet ; il est vrai que ce Nantouillet étant venu voir, en 1791 ou 1792, ce Vaillant, qui, par parenthèse, est un mien cousin ; celui-ci ne l’a point mis à la porte, quoiqu’il fût un ci-devant. Mais, bon Dieu ! sera-t-on un scélérat, un conspirateur, pour n’avoir pas chassé de sa maison un ci-devant noble, il y a deux ans ? Si ce sont là des crimes, M. Nicolas, je plains ceux que vous jugez. J’ai vu André Dumont, qui n’est pourtant pas suspect de modérantisme, hausser les épaules de pitié de cette arrestation, et il a rendu la liberté au citoyen Vaillant. Si moi, pour avoir demandé la liberté de mon parent, emprisonné pour une telle pécadille, je frise la guillotine, que ferez-vous donc à André Dumont, qui l’a accordée ? Et sied-il à un juré du tribunal révolutionnaire d’envoyer si légèrement à la guillotine ?

Je ne puis pas retenir ma langue, et quelque danger qu’il y ait à avoir une rixe avec un juré