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m’avez vous pas donné des cahiers ? Y auroit-il une perfidie, une barbarie semblable à celle de m’envoyer à la Convention, de me demander ainsi ce que je pense de la République, de me forcer de le dire, et de me condamner ensuite, parce que je n’aurois pas pu vous dire des choses aussi agréables que je l’eusse souhaité ? Si on veut que je dise la vérité, c’est-à-dire, la vérité relative, et ce que je pense, quel reproche a-t-on pu me faire, quand même je serois dans l’erreur ? Est-ce ma faute si mes yeux sont malades, et si j’ai vu tout en noir à travers le crêpe que les feuilles du Père Duchesne avoient mis devant mon imagination ?

Suis-je si coupable de n’avoir pas cru que Tacite, qui avoit passé jusqu’alors pour le plus patriote des écrivains, le plus sage et le plus grand politique des historiens, fut un aristocrate et un radoteur ? Que dis-je, Tacite ? ce Brutus même dont vous avez l’image, il faut qu’Hébert le fasse chasser comme moi de la société ; car si j’ai été un songe creux, un vieux rêveur, je l’ai été non-seulement avec Tacite et Machiavel, mais avec Loustalot et Marat, avec Trasibule et Brutus.

Est-ce ma faute s’il ma semblé que lorsque le département de Seine et Marne, si tranquille jusqu’à ce jour, étoit si dangereusement agité, depuis qu’on n’y messoit plus ; lorsque des pères et mères, dans la simplicité de l’ignorance, versoient des larmes, parce qu’il venoit de leur naître un enfant qu’ils ne pouvoient pas faire baptiser ; bientôt les catholiques alloient, comme les calvinistes, du temps de Henri II, se renfermer