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moment qu’ils ont changé de parti ; c’est que j’aie été plus fidelle à la patrie qu’à l’amitié ; c’est que l’amour de la République a triomphé de mes affections personnelles ; et il a fallu qu’ils fussent condamnés pour que je leur tendisse la main, comme à Barnave.

Il est bien facile aux patriotes du 10 août, aux patriotes de la troisième ou quatrième, je ne dis pas réquisition, mais perquisition, aujourd’hui que l’argent et les places éminentes sont presque une calamité, de se parer de leur incorruptibilité d’un jour. Necker, à l’apogée de sa gloire, et après son deuxième rappel, a-t-il cherché à les séduire, comme moi, dans l’affaire des boulangers ? Lafayette, dans les plus beaux jours de sa fortune, les a-t-il fait applaudir par ses aides-de-camp, quand ils sortoient de chez lui, et traversoient son antichambre ? Ont-ils été environnés, à Bellechasse, de pièges glissans et presque inévitables ? A-t-on tenté leurs yeux par les charmes les plus séduisans ; leurs mains par l’appât d’une riche dot, leur ambition par la perspective du ministère, leur paresse par celle d’une maison délicieuse dans les Pyrénées ? Les a-t on mis à une épreuve plus difficile, celle de renoncer à l’amitié de Barnave et des La-