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qu’il vaut mieux ne pas punir plusieurs coupables, que de frapper un seul innocent. Mais n’est-il pas vrai que, dans un temps de révolution, cette maxime pleine de raison et d’humanité, sert à encourager les traîtres à la patrie, parce que la clarté des preuves qu’exige la loi favorable à l’innocence, fait que le coupable rusé se dérobe au supplice ? Tel est l’encouragement qu’un peuple libre donne contre lui-même. C’est une maladie des républiques, qui vient, comme on voit, de la bonté du tempérament. La maxime au contraire du despotisme est, qu’il vaut mieux que plusieurs innocens périssent, que si un seul coupable échappoit. C’est cette maxime, dit Gordon sur Tacite, qui fait la force et la sûreté des rois. Le comité de salut public l’a bien senti ; et il a cru que, pour établir la République, il avoit besoin un moment de la jurisprudence des despotes. Il a pensé, avec Machiavel, que dans les cas de conscience politiques, le plus grand bien effaçoit le mal plus petit. Il a donc voilé pendant quelque temps la statue de la liberté. Mais confondra-t-on ce voile de gaze et transparent, avec la doublure des Cloots, des Coupé, des Montaut, et ce drap mortuaire sous lequel on ne pouvoit reconnoître les principes au cercueil ? Confondra-t-on la constitution, fille de la montagne, avec les superfétations de Pitt ; les erreurs du patriotisme, avec les crimes du parti de l’étranger ; le réquisitoire du procureur de la commune sur les certificats de civisme, sur la fermeture des églises, et sa définition des gens suspects, avec les décrets tutélaires de la Convention, qui ont maintenu la liberté du culte, et les principes.