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Oui, j’espère que la liberté de la presse va renaître toute entière. On a étrangement trompé les meilleurs esprits de la Convention, sur les prétendus dangers de cette liberté. On veut que la terreur soit à l’ordre du jour, c’est-à-dire, la terreur des mauvais citoyens : qu’on y mette donc la liberté de la presse ; car elle est la terreur des fripons et des contre-révolutionnaires.

Loustalot, qu’on a trop oublié, et à qui il n’a manqué, pour partager les honneurs divins de Marat, que d’être assassiné deux ans plus tard, ne cessoit de répéter cette maxime d’un écrivain anglais : Si la liberté de la presse existoit dans un pays où le despotisme le plus absolu réunît dans une seule main tous les pouvoirs, elle suffiroit seule pour faire contre-poids. L’expérience de notre révolution a démontré la vérité de cette maxime. Quoique la constitution de 89 eût environné le tyran de tous les moyens de corruption ; quoique la majorité des deux premières assemblées nationales, corrompue par ses vingt-cinq millions et par les supplémens de liste civile, conspirât avec Louis XVI, et avec tous les cabinets de l’Europe, pour étouffer notre liberté naissante, il a suffi d’une poignée d’écrivains courageux pour mettre en fuite des milliers de plumes vénales, déjouer tous les complots, et amener la journée du 10 août et la République, presque sans effusion de sang, en comparaison de ce qu’il en a coulé depuis. Tant que la liberté indéfinie de la presse a existé, il nous a été facile de tout prévoir, de tout prévenir. La liberté, la vérité, le bon sens ont battu l’esclavage, la sottise et le mensonge, par-