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les affranchis, les empoisonneurs et les coupe-jarrets des Césars ; car la cruauté causée par la faim, cesse avec la faim, au lieu que celle causée par la crainte, la cupidité et les soupçons des tyrans, n’a point de bornes. Jusqu’à quel degré d’avilissement et de bassesse, l’espèce humaine ne peut-elle donc pas descendre, quand on pense que Rome a souffert le gouvernement d’un monstre, qui se plaignoit que son règne ne fût point signalé par quelque calamité, peste, famine, tremblement de terre ; qui envioit à Auguste le bonheur d’avoir eu, sous son empire, une armée taillée en pièces, et au règne de Tibère, les désastres de l’amphithéâtre de Fidenes, où il avoit péri cinquante mille personnes ; et pour tout dire, en un mot, qui souhaitoit que le peuple romain n’eût qu’une seule tête, pour le mettre en masse à la fenêtre !

Que les royalistes ne viennent pas me dire que cette description ne conclut rien ; que le règne de Louis XVI ne ressembloit point à celui des Césars. S’il n’y ressembloit point, c’est que chez nous, la tyrannie, endormie depuis long-temps au sein des plaisirs, et se reposant sur la solidité des chaînes que nos pères portoient depuis quinze cents ans, croyoit n’avoir plus besoin de la terreur, seul instrument des despotes, dit Machiavel, et instrument tout-puissant