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mains. On étoit trahi et poignardé par ses esclaves, ses ennemis ; et si on n’avoit point d’ennemi, on trouvoit pour assassin un hôte, un ami, un fils. En un mot, sous ces règnes, la mort naturelle d’un homme célèbre, ou seulement en place, étoit si rare, que cela étoit mis dans les gazettes, comme un événement, et transmis par l’historien à la mémoire des siècles. « Sous ce consulat, dit notre annaliste, il y eut un pontife, Pison, qui mourut dans son lit, ce qui parut tenir du prodige. »

« La mort de tant de citoyens innocens et recommandables, sembloit une moindre calamité que l’insolence et la fortune scandaleuse de leurs meurtriers et de leurs dénonciateurs. Chaque jour, le délateur sacré et inviolable faisoit son entrée triomphale dans le palais des morts, en recueilloit quelque riche succession. Tous ces dénonciateurs se paroient des plus beaux noms ; se faisoient appeler Cotta, Scipion, Régulus, Cassius Severus. La délation étoit le seul moyen de parvenir, et Régulus fut fait trois fois consul pour ses dénonciations. Aussi tout le monde se jettoit-il dans une carrière des dignités si large et si facile ; et pour se signaler par un début illustre, et faire ses caravanes de délateur, le marquis Serenus intentoit une accusation de