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une grande place, ou d’en donner sa démission : mais le plus grand de tous les crimes étoit d’être incorruptible. Néron avoit tellement détruit tout ce qu’il y avoit de gens de bien, qu’après s’être défait de Thrasea et Soranus, il se vantoit d’avoir aboli jusqu’au nom de la vertu sur la terre. Quand le sénat les avoit condamnés, l’empereur lui écrivoit une lettre de remercîment de ce qu’il avoit fait périr un ennemi de la république ; de même qu’on avoit vu le tribun Clodius, élever un autel à la liberté, sur l’emplacement de la maison rasée de Cicéron, et le peuple crier : Vive la liberté !

« L’un étoit frappé à cause de son nom ou de celui de ses ancêtres ; un autre, à cause de sa belle maison d’Albe : Valerius Asiaticus, à cause que ses jardins avoient plu à l’impératrice ; Statilius, à cause que son visage lui avoit déplu ; et une multitude, sans qu’on en pût deviner la cause. Toranius, le tuteur, le vieux ami d’Auguste, étoit proscrit par son pupille, sans qu’on sût pourquoi, sinon qu’il étoit homme de probité, et qu’il aimoit sa patrie. Ni la préture, ni son innocence ne purent garantir Quintus Gellius des mains sanglantes de l’exécuteur ; et cet Auguste, dont on a tant vanté la clémence, lui arrachoit les yeux de ses propres