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Alors pres de ces monts le Monarque des Francs
D’un superbe coursier pressoit les nobles flancs,
Qui paroist orgueilleux, sentant sa croupe large
Des amours de son Roy porter la douce charge.
Ce glorieux amant, tout émeu de plaisir,
Et brulant de l’ardeur d’un violent desir,
D’un œil impatient, tourne cent fois la teste,
Pour admirer l’éclat de sa belle conqueste.
Aurele à ses costez, l’illustre Confident,
Loin derriere leurs pas jette un regard prudent ;
Et rasseûre l’effroy de la Vierge timide,
Qui tremble au souvenir de son Oncle perfide ;
Qui redoute sa rage ; & pense, au moindre bruit,
Que de fiers bourguignons une troupe la suit.
Rien ne dompte la peur dont son ame est saisie,
Bien que desja Clovis attaigne l’Austrasie,
Triomphant de sa Reyne en son viste retour,
Et que Vienne encore ignore son amour.
Ainsi le fan craintif d’une biche lancée,
Par l’ombreux Appennin fuit, l’oreille dressée,
Croit voir à chaque pas ou les chiens, ou les loups ;
Et sent trembler son cœur, & ses foibles genoux.
Si le Zephire émeut une feüille abbatuë
Il pense qu’un Veneur le poursuit et le tuë ;
Bien que par ses détours sa mere au pied leger,
Emporte loin de luy la chasse & le danger.