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L'ingrate suit la croix, m’abandonne & me chasse.
En vain j’ay suscité l’Illyrie, et la Thrace,
Et les plus froids climats si feconds en Guerriers,
Par qui je l’ay destruite, & brûlé ses lauriers.
Mon secours me trahit ; & le Barbare mesme,
Soûmettant tout à soy, se soûmet au Baptesme.
Les seuls francs me restoient, amis de ma fureur,
Qui cherissent la guerre autant que leur erreur,
A qui du Monde entier je destinois l’Empire :
Et voila que Clovis pour Clotilde soûpire,
Une beauté Chrestienne, & de qui la vertu
Triomphe du grand Roy, sous ses loix abbatu.
Mais plustost que souffrir qu’un tel couple s’assemble,
L’air, la terre, & la mer, se mesleront ensemble.
Oüy, perisse plustost la race des mortels,
Que de me voir privé de puissance et d’autels.
Ainsi dit le demon, d’une rage enflammée,
Il part environné d’une épaisse fumée.
Il empeste sa route ; & cent rouges éclairs
D’une odeur ensoufrée infecterent les airs.
Il arreste son vol sur ces belles montagnes,
Passage de Bourgogne aux Lorraines campagnes.
Il contemple ces lieux couronnez de forests ;
Les humides vallons, & leurs antres secrets ;
Les salutaires eaux des bains chauds de Plombieres ;
Et cent sources d’argent, meres de cent rivieres.