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Jeune Mars, luy dit-elle, écoute les plaisirs.
Vers l’aimable Venus laisse aller tes desirs.
Ne pers pas tes beaux ans à desoler la terre :
Et triomphe en amour, comme tu fais en guerre.
Les luts en mesme temps se meslent à la voix :
Et cinq chantres divers s’animent à la fois,
Qui joignent leurs douceurs à celle de sa flame.
Il sent qu’un double charme ensorcelle son ame.
Il pense que son cœur, d’un vol delicieux,
Sur l’aile des plaisirs s’éleve dans les cieux.
Aurele, de son roy void les peines secretes ;
Dans la court du palais fait sonner vingt trompettes,
Qui réveillent Clovis par ce trouble abbatu ;
Et par leurs tons guerriers raniment sa vertu.
O musique, dit-il, et plus noble et plus belle,
Qui fait voler mon cœur où la gloire l’appelle !
J’ay senty, par ces chants qui flatoient mon desir,
Qu’il n’est point de tourment plus grand que le plaisir :
Et qu’une ame jamais ne sent tant de suplices,
Que lors que sa vertu lutte avec les delices.
Reservons pour la paix ce doux appast des cœurs,
De peur qu’il n’ait l’honneur de vaincre les vainqueurs.
Ces chants n’incitent pas à dompter la Garonne.
Que nul dans l’univers desormais ne s’estonne,
Si Rome ayant les sens par ce charme endormis,
Est si souvent en proye à tous ses ennemis.