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Pour deux peuples si grands, c’est trop peu de provinces.
Espargnons tant de sang, par le combat des princes.
On fait deux innocens les victimes de tous.
Je deviens ennemy, quand j’espere estre époux.
Je voy devant mon fer le frere de ma reine.
Je la voy qui me jette un regard plein de haine.
Helas ! Dis-je, ô ! Mon bras, que peux-tu m’acquerir ?
Et pour plaire à son cœur, dois-je vaincre, ou mourir ?
Soit vainqueur, soit vaincu, tout desastre m’opprime.
Car que pourra pretendre ou ma honte, ou mon crime ?
Pûst-elle au moins sçavoir le trouble où je me voy :
Et ce premier combat qui se fait dedans moy.
Contre un époux promis elle anime son frere.
Je ne la puis haïr, quoy qu’injuste et contraire.
Ramir vient au combat, en ce malheureux jour,
Troublé par son courage, et moy par mon amour.
Il me porte deux coups, dans sa fureur extreme.
Je ne puis m’irriter contre le sang que j’aime.
Par mon fer seulement ses coups sont repoussez.
Et n’estant pas vaincu, je pense vaincre assez.
Mais enfin la fortune, et propice et contraire,
L’abbat, et fait le coup que mon bras n’ose faire.
Il tombe ; et je sens naistre un espoir en mon cœur,
De voir que je puis estre et sans crime et vainqueur.
Le courageux Ramir, dans sa douleur extreme,
Veut mourir, plus que moy sans pitié pour luy-mesme.