Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais quel bien penses-tu qui survive au trépas ?
Ny haine ny desir ne se ressent là bas.
Toute vangeance est morte en la demeure noire ;
Et se perd dans le fleuve où se perd la memoire.
C’est se vanger sur soy, que de vouloir perir.
Et du moins, en mourant, il faut faire mourir.
Je veux perdre Clovis, le poursuivre à toute heure :
Et ne veux point mourir, que premier il ne meure.
Mais je puis souhaiter, comme un supreme bien,
Qu’à jamais nostre sang soit ennemy du sien.
Qu’à jamais, tour à tour, l’Espagne et l’Angleterre
Enfantent des projets pour desoler sa terre.
Que de contraires mœurs, que de contraires bords,
Que sans cesse opposant cent forts contre cent forts,
Leurs haines, leurs fureurs, ne soient jamais bornées
Ny par les vastes mers, ny par les Pyrenées.
Toutes deux dans leur rage à l’envy s’embrazans,
Cherchent un long espoir en la suite des ans.
Toutes deux sont un temps dans un morne silence.
Puis Albione ainsi reprend sa violence.
Mon esprit, que mon feu rend plus ingenieux,
Conçoit un fait plus beau, plus il est furieux :
Et la posterité, quand je seray vangée,
Sçaura ce que peut faire une femme enragée.
Du fier prince des francs vange-toy par ton bras.
Mais si ton fer le peut, le mien ne le peut pas.