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Au premier rang il void que le brave Aigoland,
De son Argine encor soustient le chef sanglant :
Que de ces corps puissans, seuls ils en foulent quatre :
Et qu’ils semblent tout morts encore les combattre.
Il void au mesme rang le vaillant Varadon,
Tenant d’une main roide encore son guidon ;
Et de l’autre fermant la blessure profonde,
Qui fendoit le beau sein de sa chere Aregonde.
Valdin semble paslir de fureur et d’amour,
Plustost que de la mort qui l’a privé du jour :
Et pousse encor le fer, dont sa vangeance prompte
A percé le saxon, meurtrier d’Amalazonte.
Tous ces nobles amans, encor parmy les morts,
Font, pour sauver leur prince, un rampart de leurs corps.
Mais rien n’estonne plus Clovis et sa brigade,
Que de voir morts ensemble Alpheïde et Volcade :
Qui tous deux par amour s’entrelassent les doigts ;
Et de sang, sur le front, ont tous deux une croix.
Ce spectacle amoureux, et glorieux, et tendre,
Aux chefs les plus constans fait des larmes répandre.
Le roy mesme en soupire : et ne refuse pas
De payer de ses pleurs le prix de leur trépas :
Leur promet cent tombeaux, pour la marque eternelle
De leur rare valeur, et de leur cœur fidelle
A leur flame, à leur prince, à la foy de leur dieu.
Puis il quitte à regret ce doux et triste lieu.