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C’est donc ainsi, dit-il, que dans la vie humaine
Succedent tour à tour et la joye et la peine ;
De peur que le mortel, dans un sort trop égal,
Ne soit trop fier du bien, ny trop dompté du mal.
Quel heur estoit n’aguere à mon heur comparable,
Lors que j’ay vû mon roy dans sa fureur aimable ;
Et contre ses faux dieux son grand cœur irrité,
Presque toucher le port que j’ay tant souhaitté ?
Toûjours l’enfer s’oppose au zele dont je brule.
Quand de moy l’heur s’approche, un malheur m’en recule.
Alors il oyt un bruit parmy des alisiers.
Soudain tournant la teste, il void quatre guerriers,
Dont chacun porte en croupe une dame charmante,
Et presse du cheval la course diligente.
D’une vive surprise il se sent émouvoir,
Voyant ce que ses yeux n’esperoient plus revoir,
L’admirable beauté que sa memoire adore,
Que la mort luy ravit sur les bords du Bosphore.
Ce bon-heur impreveû luy trouble tous les sens.
Son cœur est trop sensible à ces assauts puissans.
L’estonnement l’abbat, mais l’espoir le réveille.
Ah ! Dit-il, Agilane, ah ! Divine merveille,
Serois-tu donc vivante ? En ses ardens transports
Il se leve : au coursier met en bouche le mords.
Il le monte ; il le pousse ; il court suivant leur voye,
Et confus et content dans le trouble et la joye.