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Le prince au pied d’un chesne estendu malheureux,
Sans espoir jette en l’air des soupirs douloureux.
Doncques de moy, dit-il, la fortune se jouë.
Naguere elle m’a mis au plus haut de sa rouë,
Pour me precipiter dans un goufre de maux.
Que me sert mon bonheur ? Quel fruit de mes travaux ?
Helas ! J’ay tout conquis, et j’ay perdu ma reine.
Ce n’est point un mortel, c’est un dieu qui l’emmeine,
Où de flames brulant pour sa rare beauté,
Où d’un courroux vangeur contre moy transporté,
Pour avoir dédaigné ses loix et ses promesses.
Mais j’apperçois du ciel les embusches traistresses.
Et le seul Jupiter, pour m’oster mes amours,
Avoit des autres dieux emprunté le secours.
Que leur importe à tous si j’aime une chrestienne,
Pourveu que sous leurs loix mon esprit se maintienne ?
Ah ! Je voy la fureur dont il est allumé.
Il aime la princesse, et n’en peut estre aimé.
M’ordonnant de quitter les feux que j’ay pour elle,
Il veut par le dépit me la rendre infidelle.
Quels dieux, pour me tromper, vindrent à ses costez ?
Les dieux les plus enclins aux molles voluptez.
Pourquoy, si d’un hymen il portoit la promesse,
N’amenoit-il Junon, des nopces la deesse ?
Mais il se cache d’elle en ses larcins d’amour.
Il craint sa rude espouse : il craint mesme le jour.