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Mais plus juste, il prefere, en s’opposant aux coups,
Le salut de son pere à son triste courroux.
Il soustient Sigismond, et l’arreste sans cesse,
Donnant aux siens le temps pour tirer de la presse
L’infortuné vieillard qui du heurt des chevaux
A peine s’écartant, marche à pas inégaux.
Alors des ubiens le trouble ou la retraite,
Au libre Sigismond vallent une deffaite.
Il va d’un mesme cours saccager le tongrois.
Clovis d’autre costé pousse ses grands explois.
Et comme deux faucheurs, qui d’une ample prairie,
L’un à l’autre opposez tranchent l’herbe fleurie,
Eslargissent leur voye, et jettent par compas
Une verte moisson qui tombe sous leurs pas :
Clovis et Sigismond ainsi d’un grand courage,
Chacun de leur costé, moissonnent leur passage :
Et chacun mesurant sa fortune à son cœur,
Par son effort espere, et s’estime vainqueur.
Ils se cherchent tous deux. La flame noble et forte,
Puisée en mesmes yeux, l’un vers l’autre les porte.
Chacun d’eux se croit seul digne d’en estre attaint ;
Veut que le feu de l’autre en son sang soit esteint.
Chacun d’eux veut punir, comme une audace extreme,
L’injurieux dessein d’aimer celle qu’il aime ;
Ne craint dans sa fureur ny dangers ny travaux ;
Et de gloire et d’amour tous deux ardens rivaux.