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Ne rend pas ses baisers. Lors la brune aux yeux doux,
Va chercher attentive, entre les durs cailloux,
L’herbe aux charmes contraire, à la feüille argentine,
L’armoise ; et la pressant de sa levre pourprine,
Trois fois redit trois mots : puis soudain leur fait voir
Ses tresses de poil blond, pour des flots de poil noir.
Elle revient changée, et paroist Albione.
Aussi-tost aux baisers Yoland s’abandonne.
Pourquoy donc cachois-tu, dit-elle, ta beauté,
Sous le déguisement d’un éclat emprunté ?
Albione rougit de l’enqueste importune.
Pour mieux cacher mon nom, dit-elle, et ma fortune,
Et combattre inconnuë en ces lieux estrangers.
Mais je devois prevoir les infames dangers ;
Et déguiser mon sexe ; ou paroistre moins belle.
Je goustois la douceur d’une onde qui ruisselle ;
Et le repos de l’ombre agreable à mes vœux,
Ayant du casque lourd soulagé mes cheveux.
Ces impudens guerriers, cherchant le mesme ombrage,
Descendent au ruisseau, contemplent mon visage,
Attaquent ma pudeur de propos insolens,
Puis veulent que je cede à leurs desirs brulans.
Je me couvre du casque ; à l’écart je m’élance ;
Et mets le fer au poing contre leur violence.
Mais sans l’heureux secours de ma vaillante sœur,
Mon bras ne m’eût esté qu’un foible deffenseur.