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Fait suivre six coursiers, s’embarque sur la Saône :
Et coule avec moy seul inconnu jusqu’au Rhône.
Trois relays sont placez pour haster le retour,
Quand ses yeux auroient veû l’object de son amour.
Pour n’estre pas cognu, le prince avec prudence
Sous un modeste habit déguise sa naissance.
Et je prens dans Vienne un manteau déchiré.
Je me couche au parvis du temple reveré,
Où le prelat Avite, et saint et venerable,
Chaque jour offre à Dieu la victime adorable.
J’apperçoy la princesse, au front doux, à l’œil bas,
Au temple avec sa suite allant d’un grave pas.
Sur les pauvres rangez sous l’auguste portique,
La charitable vierge estend sa main pudique.
Je m’approche à l’aumosme ; et d’un transport soudain
Je porte avidement un baiser sur sa main.
Je rougis du transport : elle, de mon audace.
Comme pour la punir, sa rougeur me menace.
Alors, pour l’excuser, moy-mesme je l’accrois.
Dans le temple, luy dis-je, à gauche de la croix,
Tu verras un grand prince ; et sçache par ma bouche,
Que Dieu, pour l’heur des francs, te destine à sa couche.
Ce discours surprenant, d’elle seule entendu,
Fait qu’un rouge est encor sur son teint répandu.
Elle passe ; et je suy cette illustre merveille.
J’avance vers mon roy, murmure à son oreille,