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L’esclavage, les mers, tant d’outrageux efforts,
D’un long amas de maux empoisonnent son corps.
Sa pasmoison la laisse ; et d’une ardeur fievreuse,
Elle souffre soudain l’attaque rigoureuse.
L’empereur sur son trône, orné de sa grandeur,
Veut paroistre à sa veüe éclatant de splendeur :
La mande ; et pour guerir le mal dont il soûpire,
Veut la choisir pour femme, aux yeux de tout l’empire.
Sur l’excuse fondée en son mal survenu,
De douceur il n’a plus son esprit retenu.
Il veut qu’elle paroisse : au deffaut, qu’on l’enchaisne ;
Et sans avoir sa foy, qu’à sa couche on l’entraisne.
Je m’oppose à l’outrage, et veux la secourir.
Cessez, dit-elle, Aurele ; et puis qu’il faut mourir,
Donnons à nostre mort l’honneur d’une victoire.
Ne mourons pas au lit, mais au champ de la gloire.
Que son trône et les grands soient témoins de mon cœur :
Qui de nous, ou de luy, doit estre le vainqueur.
Elle va vers le monstre, animant son courage :
Et contre luy j’appreste et mon fer et ma rage.
D’un pas lent on la meine aux yeux de l’empereur,
Tremblante par son mal, forte par sa fureur.
Nos desseins sont pareils, d’attaquer cet infame ;
Elle par ses propos, moy par un coup de lame.
Sur elle, en boüillonnant d’amour et de courroux,
Il jette des regards impetueux et doux.