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Je voy du Rhône affreux les goufres inhumains,
Dans leur sein devorans ma mere et mes germains.
En toy, bien qu’innocent, je voy leur parricide.
O ! Mon ressentiment, que ton cours est rapide !
Sans toy, mon dieu, sans toy, je suis dans le danger
De vouloir tous les jours mourir, ou me vanger.
Mais voy si tes desirs, prince, sont legitimes.
Combien, en t’épousant, j’épouserois de crimes.
Si jamais à ton sang mon sang s’estoit uny,
Des meurtres il seroit et coupable et puny.
Dieu ! Reprit Sigismond, que je suis miserable !
Je suis du mesme crime innocent et coupable.
Mon cœur est innocent : mon sang est criminel.
Donc pour punir en moy le forfait paternel,
Je t’immole ma vie, et la goutte derniere
De ce sang malheureux dont la source est meurtriere.
Mais sauve l’innocent ; et devant mon trépas,
Reçoy ce cœur heureux, qui ne te déplaist pas,
Qui t’ayme, et de son sang en secret se détache,
Pour purger dans son feu l’originelle tache ;
Qui pour les tiens meurtris ne cesse de pleurer ;
Ne void qu’avec horreur ce qu’il doit honorer ;
Et par une justice à moy mesme inhumaine,
Deteste jour et nuit les causes de ta haine.
Clotilde à ces propos les yeux baignez de pleurs,
Et sensible et cruelle à tant d’aspres douleurs,