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Souflant de ses naseaux deux sources élancées,
Et baissant en courroux deux cornes renversées,
Fait voir son vaste corps, et surprend tous les sens,
Pousse avec bruit les flots émus et blanchissans,
Vers les amans s’avance, et soudain les separe.
Le monarque intrepide au combat se prepare :
Le menace de loin de son fer flamboyant.
Mais à l’horrible aspect son cheval s’effrayant,
Se tourne, et malgré luy vers le bord le remporte.
Semblable peur saisit l’une et l’autre cohorte.
Chacun tranche la mer avec ses bras nerveux.
Tous gagnent le rivage, ou de force, ou de vœux.
Le ciel mesme complice, à la frayeur mortelle
Adjouste, en se voilant, une frayeur nouvelle.
Le prince tourne en vain le rebelle coursier,
Employant, et la bride, et le piquant acier.
L’animal fuit la mer, retourne, ou se renverse ;
Et s’élance, en cherchant une route diverse.
Le roy se desespere ; et pour s’en dégager,
Se jette à terre enfin, d’un mouvement leger.
Nul des siens ne paroist : la nuit, la solitude,
Aigrissent à l’envy sa triste inquietude.
Il cherche, il crie, il court ; et parmy tant d’horreur,
La perte d’Ildegonde est sa seule fureur.
Il se replonge en mer ; et plein de hardiesse
Nage, et cherche le monstre, ou sa chere princesse.