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l’esprit partout, sinon dans le courant même des idées, du moins à droite et à gauche. La forme ordinaire de cet esprit est celle que donne l’habitude de la scène : le mot ou la tirade. Voyez le développement sur l’Évangile et la description du grand édifice qui symbolise l’œuvre de Hugo, ce sont des pages d’éclat ; et, à côté de cela, que de traits semés en courant ! « Les dieux, dit M. Dumas, quittaient à chaque instant l’Olympe pour avoir commerce avec les hommes et quelquefois avec les femmes. » C’est un joli mot, mais qui fait un crochet, si l’on peut dire, et suppose les zigzags de la conversation. Ceci, sur les pessimistes, est encore agréable et facile : « La mort a du bon ; mais l’homme lui préférera toujours la vie, pour commencer. » Ceci enfin, sur Victor Hugo, est une vraie perle : « À quinze ans, il monte dans sa tête, et il n’en redescend plus jusqu’à sa mort. »

C’était le boulevard des Italiens répondant à la forêt vierge. M. Dumas et M. Leconte de Lisle ne se sont pas contredits : ils ne se sont pas entendus. Ils représentent deux natures d’esprits irréconciliables. M. Dumas n’est pas un artiste aux yeux de M. Leconte de Lisle, qui lui reprocherait certaine dédicace du Bijou de la reine à M. Henri Lavoix, pleine de blasphèmes contre l’art divin des rythmes ; mais M. Dumas a été plus loin : non seulement il a méprisé les vers ; il en a fait et les a imprimés. M. Leconte de Lisle, d’autre part, sensible aux plantes des tropiques, aux bêtes féroces, et, avec cela, d’une psychologie faible et artificielle, semble à M. Dumas quelque chose d’intermé-