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plutôt il a raccourci ce qu’il avait fait. On ne peut pas dire de son discours, comme d’Hassan, qu’il l’a fait tout petit pour le faire avec soin : non, ce n’est pas un nain ; c’est la moitié d’un géant, chose assez différente.

Il ne s’est d’ailleurs point piqué de composition ; ce grand tronçon de harangue n’en offre pas, mais n’y prétend pas davantage. C’est une causerie magistrale, comme celles qu’il fait, en vareuse de laine, à sa table de travail, émaillée de souvenirs, de citations, de mots étincelants et sonores. « Connaissez-vous ces vers ? dit-il tout d’un coup. Attendez, je vais vous les dire. » Il se lève, prend sur le rayon un livre souvent feuilleté, retrouve la page cornée et se met à lire. Comme il lit merveilleusement, c’est une fête, une fête sans programme, mais qui n’en est que plus charmante. Ainsi sa réponse académique est devenue une véritable anthologie ; si l’on en retranchait ce que tout le monde sait par cœur, elle serait presque trop courte.

L’improvisation se fait bien sentir peut-être çà et là, par exemple, « une immortalité mutuelle » n’a pas grand sens, faute d’une recherche plus attentive de l’expression. Après avoir lu quelques vers sur le requin « à l’œil terne, impassible et lent », M. Dumas conclut : « Ainsi se fortifiaient votre énergie et votre volonté ». Cela veut-il dire que M. Leconte de Lisle, enfant, se battait contre des requins, et que c’est une bonne école pour tremper le caractère ? Outre ces quelques hiatus de pensée, deux ou trois phrases ne se tiennent pas ; mais ce sont des vétilles. En revanche, il y a de