Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
le p’tit gars du colon

qui devient affreux quand la neige disparue met à découvert fondrières, chicots et racines.

Les traits, rafistolés vaille que vaille, et le brancard blessé, bandé de gros fil de laiton, en frémissaient d’épouvante.

Marie-Louise avait eu peur :

— Arrive-t-on, François ?

— Regarde, regarde : vois-tu l’abatis ?

— Quel beau travail, mon homme !

— Et vois-tu notre maison ?

La voix et la main du bûcheron tremblaient d’émotion.

— Qu’elle est grande ! qu’elle est belle !

Pauvre femme ! Et c’était sincère…

Cabane de troncs rugueux, sans cave ni grenier ; point d’étage, la porte basse ; deux étroits châssis donnant sur la forêt ; un toit d’écorce…

Mais, par dessus, le firmament brillait. L’amour enjolivait toutes les choses.

∗∗∗

L’hiver précédent, le courageux François avait besogné rondement sur son lot de forêt vierge.

Profitant des neiges hâtives, il partait de « chez eux », au lendemain du Jour des Morts. Et sur le traîneau, le seul de la famille, on arrimait le sac de farine, le baril de lard salé, des ustensiles de ménage — oh ! les plus rudimentaires — et la tente