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la traversée du lac

des plaines déboisées. Fils de terriens, le sol est son meilleur amour. La voix des sillons lui parle au cœur : il l’entend, il l’écoute, il l’aime… C’est la vocation. Tout homme a la sienne : le bonheur s’y trouve à qui l’embrasse généreusement.

Comme ils seraient heureux, son papa, ses frères et lui-même, à cultiver ici, dans la solitude bienfaisante, cette terre neuve qui s’impatiente de donner sa moisson.

L’enfant s’est assis : la souche qui le porte domine de son léger promontoire une étendue toute bûchée que la charrue n’aurait pas grand’peine à remuer. Puis on sèmerait, puis on verrait le blé lever, mûrir : le soleil ferait sa bonne part… Toute la vie d’autrefois reviendrait…

Cher petit, d’un bon, le voilà du présent dans l’avenir !

Et soudain le rêve a disparu.

Quel est-ce canot venu du grand lac ? Il s’arrête sur le sable : un vieillard se dirige vers la maisonnette des Gaudreau. Petit François, très vite, le rejoint près du seuil ; et le beau vieux, alerte et souriant, l’accueille de cette parole étrange :

— Y peut-on rentrer chez-nous ?

Il pénètre à l’intérieur : l’enfant le suit : personne n’est au logis.

— Alors tu sais, l’p’tit gars, puisqu’on est chez nous, je m’assieds sans gêne…