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nos relais de poste ; on les nomme sen-mou. La guerre que les habitans ont eue à soutenir nouvellement contre les Siamois, a rendu ce pays très-peu peuplé.

De la récolte du fiel.


Autrefois, à la huitième lune, on faisoit la récolte du fiel. Le roi de Cochinchine exigeait chaque année une urne de fiel humain[1] ; il lui en falloit le fiel d’un grand nombre d’hommes ; il envoyoit, pendant la nuit, de tous côtés, des hommes qui se rendoient dans les villes et dans les villages, et qui, quand ils rencontroient des gens marchant de nuit, leur passoient une corde au col, et, à l’aide d’un couteau dont ils étoient munis, leur ouvroient le flanc droit, au-dessous des côtes, et leur enlevoient la vésicule du fiel ; ils continuoient ainsi jusqu’à ce qu’ils en eussent assez pour la provision du roi de la Cochinchine ; il n’y avoit que les Chinois dont ils ne prenoient pas le fiel, parce qu’une année qu’on avait pris par mégarde le fiel d’un Chinois, et qu’on l’avoit mêlé avec ceux qui étoient déjà dans l’urne, le tout pris une mauvaise odeur et se gâta de manière à ne pouvoir ser-

  1. Sur cet usage abominable, qui paroît tenir à des idées de magie, on peut voir la Relation du royaume de Lao, par le P. Marini, p. 349 de la traduction françoise.