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ET DE SES ENVIRONS.

assez grand nombre de barques, et offre le spectacle d’un port animé par un commerce actif.

Esné est bâtie sur le bord du fleuve, dont le courant en cet endroit, se portant avec rapidité contre le rivage, mine et fait ébouler la berge, ainsi que les maisons qui la surmontent. Les habitans de ces maisons, forcé de les abandonner, refluent dans l’intérieur de la ville, qu’ils encombrent, en attendant que la peste vienne enlever l’excédant de la population. Ce fléau y pénètre à peu près tous les dix ou douze ans ; il suit assez ordinairement les grandes inondations, et y fait alors d’affreux ravages[1].

À l’époque de l’arrivée des Français, la ville d’Esné était la résidence ordinaire des pays Haçan, O’smân et Sâleh, ennemis irréconciliables de Mourâd-bey. Dans les guerres continuelles que se livraient les gouverneurs de l’Égypte, Esné a presque toujours été le refuge et l’espèce d’apanage des vaincus. La grande distance à laquelle cette ville se trouve de la capitale, rendait les exilés qu’elle renfermait peu dangereux pour les beys du Kaire, qui, ne se sentant pas le pouvoir de dicter des lois absolues à cent cinquante lieues de leur résidence, leur abandonnaient la jouissance d’une souveraineté à laquelle ils attachaient peu d’importance. Les véritables richesses des beys exilés et de leurs Mamlouks n’étaient pas de nature à pouvoir leur être facilement enlevées ; leur courage, et le despotisme qu’ils exerçaient

  1. Pendant la dernière année de notre séjour en Égypte, en 1801, tout le Sa’yd en a cruellement souffert : des villages entiers ont été dépeuplés.