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ET DES ENVIRONS.

Ce n’est pas sans surprise que nous vîmes le pied de ce rocher habité par un vieux solitaire, retiré là depuis trente ans, dans une cabane formée de nattes. Ce vieillard octogénaire était noir de visage, et portait une barbe blanche ; il entendait à peine nos questions ; la caducité, la frayeur surtout, le rendait presque insensible : cependant il pria l’un de nous de lui emplir d’eau un vase de terre, seul meuble de sa cabane. On lui demanda son âge ; il répondit : Dieu le sait. Au coucher du soleil, il fit religieusement sa prière.

Chaque tempête qui se manifeste en ce lieu, y fait arriver quelque bateau, et procure au solitaire des aumônes, un peu de dourah, ou des dattes. Si l’on cherchait en lui un sage retiré du monde et vivant dans la contemplation, on se tromperait sans doute. Quand on connaît les moeurs du pays, on ne voit là qu’un homme qui, pour se débarrasser de la peine d’agir et de penser, a cherché un lieu où il pût vivre dans cette paresse et cet anéantissement d’idées qui font les délices de ce peuple. Cependant des gens aisés, venus de l’Europe à travers mille dangers, brisaient sous ses yeux les pointes du rocher qui faisait sa demeure, recueillaient les plantes sauvages qu’il arrachait pour les brûler, dessinaient et décrivaient ce site inhabité : étaient-ils beaucoup plus sages que lui ?

Les rochers des environs sont taillés dans des formes bizarres ; ils sont composes de grès noir, parsemé de filons ferrugineux, d’une couleur rougeâtre et d’un ton très-chaud. Près de là est une gorge aride qui ressemble an lit d’un torrent ; le reste du désert est occupé par des