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CH. III, DESCRIPTION

que le reste de l’Égypte ; il tire tout son prix du site affreux et désert qui l’environne. Des mûriers, des acacias, des napecas, sont, avec le doûm et le dattier, les seuls arbres d’Éléphantine : les uns servent de haies et de limites aux jardins, les autres sont répandus en petits bois dans les champs ; d’autres forment une avenue irrégulière du côté du nord. Quand on parcourt les sentiers de cette île, on a l’oreille continuellement frappée par le bruit des nombreuses roues à pots qui servent encore, comme au temps de Strabon[1], à l’irrigation de la campagne, et qui entretiennent une fécondité inépuisable. Rien dans cette île n’est resté inculte que le rocher : chaque portion de limon que le Nil dépose, est mise à profit d’année en année, et l’on y sème aussitôt des légumes, jusqu’à ce que l’attérissement prenne assez d’espace pour recevoir la charrue. C’est ainsi que l’île presque toute entière s’est formée peu à peu par les alluvions du fleuve ; le rocher qui la borne au midi a servi de noyau à ces alluvions.

On se promène, on se repose avec délices à l’ombre de ces arbres toujours verts ; l’air pur et frais qu’on y respire cause une sensation inexprimable, dont le charme ne peut bien être senti que par ceux qui ont approché du tropique. C’est la douce impression de cette température moins brûlante, c’est l’opposition des prés et des rochers, des champs et du désert, de la verdure et du sable, des jardins et du site le plus sauvage, en un mot le contraste de la nature et de l’art, qui donnent à ce canton une physionomie distincte et tout-à-fait différente de l’aspect

  1. Strab. Geogr. l. XVII, p. 819.