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CH. II, DESCRIPTION DE SYÈNE

phantidem urbem ægyptiam atrox adhuc fervensque decurrit. Tum demum placidior, et jam penè navigabilis, etc. Mais le tableau le plus frappant de la cataracte est celui qu’a tracé Sénèque. On va voir dans le passage suivant, que j’ai essayé de traduire, qu’il voulait parler de la cataracte de Syène : « Aux environs de Philæ, dit-il, le fleuve commence à rassembler ses eaux vagabondes. Philæ est une île escarpée, entourée de deux branches dont la réunion forme le Nil : c’est en cet endroit que le fleuve prend son nom… Il arrive ensuite aux cataractes, lieu renommé par un spectacle extraordinaire : là il devient méconnaissable ; ses eaux, jusqu’alors tranquilles, s’élancent avec fureur et impétuosité, à travers des issues difficiles ; enfin il triomphe des obstacles, et tout-à-coup, abandonné par son lit, il tombe dans un vaste précipice, avec un fracas qui fait retentir les environs. La colonie établie en ce lieu par les Perses, n’a pu supporter ce bruit continu, et a transporté sa demeure dans un endroit plus calme. Entre autres merveilles qu’on voit sur le fleuve, j’ai entendu parler de l’incroyable audace des habitans : deux hommes s’embarquent sur une nacelle ; un d’eux la gouverne, et l’autre la vide à mesure qu’elle s’emplit. Long-temps ballottés par les rapides, les remous et les courans contraires, ils se dirigent dans les canaux les plus étroits, évitant les défilés des écueils ; puis ils se précipitent avec le fleuve tout entier, la tête en avant, guidant la nacelle dans sa chute, aux yeux des spectateurs épouvantés ; et pendant que vous pleurez leur sort et que vous les croyez engloutis sous une si grande masse d’eau, vous voyez