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ET DES CATARACTES.

doux, sans aspirations, et presque sans rapport avec l’arabe. La manière dont ils passent le Nil avec leurs effets est fort singulière : ils se mettent sur un tronc de sycomore ou de palmier, la tête enveloppée de leurs habits et chargée de leur bagage, et ils se dirigent en faisant de chaque main une rame, s’y prenant si adroitement qu’à peine ils dérivent ; je ne les ai vus embarrassés que lorsqu’ils ont à traverser des remous un peu considérables. Voilà tout ce qui anime cette scène muette et ce triste lieu, où la végétation se borne à quelques plantes du désert, telles que la coloquinte, et à quelques arbres, tels que des dattiers, des acacias, des napecas, dont le feuillage est brûlé par le soleil[1].

Là, on commence à être frappé du bruit de la cataracte, déjà sensible à Philæ. Pendant l’hiver et le printemps, ce bruit est beaucoup plus fort ; il est comparable à celui de la mer sur une côte de récifs, tel qu’on l’entend à une lieue de distance. Jusqu’à ce point, on ne marche qu’avec peine sur le bord du Nil, toujours sur un sable de granit, et il faut franchir de temps à autre des rocs saillans sur le sol mais, quand on approche de la barre, et au lieu où le Nil reprend son cours vers le nord, c’est-à-dire, près de Chellâl et en face de Tarmesit, on trouve tout-à-coup le rocher devant soi ; il faut le gravir avec les mains pour passer outre. La montagne pénètre, pour ainsi dire, et descend perpendiculairement dans le Nil ; puis elle ressort à sa surface sous la forme d’une foule d’écueils, très-proches les uns des

  1. On y voit la jusquiame surnommée datora par Forskal, et quatre espèces de rutacées.