Page:Description de l'Égypte (2nde édition - Panckoucke 1821), tome 1, Antiquités - Description.pdf/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
CH. II, DESCRIPTION DE SYÈNE

qu’on faisait de cette cataracte ne fussent exagérés, et que les écrivains ne nous aient transmis un ancien souvenir comme un fait actuel. D’ailleurs l’existence de la cataracte de Genâdil, qui est beaucoup plus considérable, et qui est distante de moins de vingt-cinq myriamètres ou cinquante lieues, a dû concourir beaucoup à la réputation de la dernière ; et dans un pays qui a toujours été connu imparfaitement, on a facilement confondu l’une avec l’autre.

Mais si l’erreur ou l’exagération a donné une fausse idée de la cataracte de Syène, d’un autre côté l’on ne saurait nier que ce même site ne soit un des plus pittoresques et des plus extraordinaires de toute la vallée que le Nil arrose. Soit qu’on jette les yeux sur ces deux chaînes de granit tout hérissées de mamelons noirs et anguleux, dont la cime, les flancs et les pieds offrent des formes étranges, et qui, traversant le cours du Nil, viennent, pour ainsi dire, se rejoindre au milieu de son lit[1] ; soit qu’on arrête la vue sur ces îles escarpées et innombrables qui précèdent, forment et suivent la cataracte dans un espace de deux lieues ; soit enfin que l’on contemple, en venant de l’Égypte, cette limite brusque et tranchée entre une plaine fertile et des rochers inaccessibles, et le contraste d’un fleuve large et majestueux avec un torrent plein de gouffres, qui bouillonne, écume et se brise entre mille écueils : tout présente aux regards une scène du plus grand effet. C’est le spectacle d’une nature sauvage, que l’œil n’embrasse qu’avec horreur à côté du tableau riant de l’une des plus riches

  1. Voyez pl. 30, fig. 3.